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Biographie

Marie Féménias

Après de longues études, Marie Féménias, née en 1996 en région parisienne, a choisi d’embarquer sur le vaisseau de l’art contemporain, toujours en pleine tempête.

Son parcours a commencé par une licence en Langues et en Histoire de l’Art à l’université. Elle en garde un attrait pour l’écriture, ce qui se ressent dans son travail plastique aujourd’hui. Depuis 2022, Marie est diplômée d’un DNSEP des Beaux-Arts de Montpellier. Aujourd’hui, elle travaille en régie d’exposition et continue en parallèle d’avoir une activité artistique personnelle. Elle a eu la chance d’exposer mon travail en France, notamment à Montpellier. 

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À propos

Dans ma pratique plastique, je peins, filme, construis, dis. Tous les objets que j’utilise et les médiums dont je me sers sont porteurs de sens. Ma production revêt donc une dimension conceptuelle mais les formes qui en émergent sont toujours reconnaissables. Je tends même à travailler sur une certaine forme d’esthétisme. Tout d’abord, je séduis l’œil du spectateur, je l’interroge. Puis je m’adresse à sa matière grise en soulevant des questionnements philosophiques et poétiques.

Mes pièces plastiques évoluent généralement autour d’une idée philosophique, anthropologique et culturelle : la nature. Cette notion occidentale est très dualiste et contradictoire. Elle remet en cause la place que nous, humains, avons dans le monde du vivant et c’est cette position que j’interroge. Ma famille vient des Landes où il y a une vaste forêt de pins, la plus grande forêt plantée d’Europe. Enfant, j’y jouais beaucoup, courant à travers la palombière de mon grand-père ou escaladant les arbres. Aujourd’hui, quand je m’y balade, je ne peux pas m’empêcher de remettre en cause la nature de cette forêt. Est-ce un espace naturel ou humain ? Nous avons tellement modifié notre environnement, qu’il est aujourd’hui difficile de dire si la « nature » existe toujours. Est-ce un concept si ancré dans nos croyances que nous ne sommes pas prêts à l’abandonner ? Ou ce mot a-t-il toujours une signification profonde dans la construction de nos sociétés ?

À travers mes œuvres, j’espère parvenir à provoquer un échange d’idées, une prise de conscience ou plus simplement, une conversation. Je pense que si nous cherchons mieux à comprendre ce qui nous entoure, cela peut nous aider à comprendre qui nous sommes.

Texte par Marie Féménias

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AMARANTE

Cette plante rouge, l’«amarante» ou «blé des Incas», est une plante très ancienne : on retrouve des traces de sa culture chez les civilisations précolombiennes d’Amérique du Sud. Elle était cultivée pour ses vertus nutritives mais aussi à cause des croyances spirituelles qui l’entouraient. J’ai découvert cette plante par hasard dans un jardin de permaculture et j’ai été attirée par sa beauté, sa couleur et sa silhouette anthropomorphique. 

Dans la vidéo, mon corps entre en interaction avec celui de la plante. Nous nous découvrons, nous touchons, rentrons en contact l’une avec l’autre. Le son déformé et déformant de la guitare rythme cette rencontre, lui apporte une profondeur sonore. Tous les sens sont en éveil. La brèche historique entre les humains et la nature semble se refermer au profit d’un mélange des corps, d’une communion mystique.

Texte par Marie Féménias

Marie Féménias, Amarante, Vidéo, 3:13, 2022

INTERVIEW

Interview Marie FéméniasMarie Féménias
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Interview de Marie Féménias, sa conception artistique de "Faire Corps" et la liaison du sujet avec son travail.

- Comment interprétez-vous le sujet "Faire Corps" ?

- De quelle manière auriez-vous répondu à ce sujet à travers votre travail ?

Pour moi, faire corps ça peut se lire de manière différente, mais c'est un rapport premièrement avec le corps tout simplement le corps physique, mon corps physique en tant qu'être humaine et faire corps ça sous-entend toujours, il me semble, faire corps avec quelque chose ou faire corps avec quelqu'un. En l'occurrence, dans le cadre de ma vidéo, c'est faire corps avec cette plante jusqu'à ce qu'il y ait un mélange entre mon propre corps et celui de la plante. Donc faire corps, c’est se mélanger, jusqu'à ce que ça crée comme une forme de disparition parce que les corps se confondent, et jusqu'à ce qu'ils ne disparaissent en ne formant plus qu'un seul être, un nouvel être finalement on pourrait l'interpréter comme ça. Donc le fait de cette disparition d'ailleurs, peut créer un être plus fort, ça peut être une force, faire corps avec quelque chose. Ça peut être faire corps avec un concept, faire corps avec le concept de justice ou faire corps... Je fais corps avec mes habits par exemple, parce ce qu'ils me donnent la force de m'exprimer. Je fais corps avec lui ou avec elle pour tel ou tel projet. Voilà, ça peut vraiment vouloir dire faire corps avec un être humain, faire corps avec un objet, faire corps avec un concept. Ça peut être autant quelque chose de physique que de philosophique il me semble. Et faire corps, ça peut être se confondre avec cet objet, ce concept, cette personne jusqu'à ce que les deux êtres séparés disparaissent et qu'il n'en reste plus qu'un, un nouvel être comme je disais. Et ça peut être une force ou ça peut être une faiblesse, parce que parfois dans les relations par exemple, on disparaît parce qu'on fait trop corps avec l'autre, on est trop l'autre et on n'est plus soi-même. On est juste une entité, l'entité du couple, on n'est plus soi-même indépendamment de l'autre. Ça, ça peut être un exemple de faiblesse que peut apporter le concept de faire corps ; mais faire corps ça peut aussi être, je reprends l'exemple du couple, faire corps avec quelqu'un, que ce soit l'être aimé, par l'amitié, par l'amour, par le couple, par la famille, etc. faire corps avec quelqu'un peut aussi nous apporter une force parce qu'on comprend l'autre et il rentre en nous, pas de manière sexuelle mais de manière plus spirituelle on va dire, ça nous apporte une grande force parce qu'on évolue avec la personne, voilà.

Donc si la question c'est "comment est-ce que j'aborderais la question de faire corps dans mon travail, dans mon processus de création artistique ? " ; mon processus de création il dépend un peu des projets, des idées... Parfois ça m'arrive, ça m'est arrivé pour un projet par exemple, d'avoir une idée en rêve. C’est-à-dire vraiment en dormant je me suis réveillé d'un coup avec une idée je me suis levée en pleine nuit j’ai pris des petites notes j'ai fait des petits dessins et je me suis recouchée comme une tombe. Et après, j'ai bien sûr, je ne fais pas tel quel le projet, mais en tout cas ça a amené quelque chose. Pour la vidéo Amarante, c'était encore autre chose. En fait je me baladais dans le cadre d'un projet dans un jardin de permaculture et je suis allée à la rencontre de cette plante qui sortait du lot pour moi, que je trouvais intéressante : par sa couleur, par sa forme, par sa silhouette anthropomorphique, et que j'ai commencé à filmer, que j'ai commencé à venir toucher avec les mains vraiment dans le jardin comme un premier jet un peu vidéo parce que j'avais des vidéos des caméras et des appareils photo avec moi. Et ensuite j'ai demandé à ramener des morceaux de cette plante avec moi, pour peut-être la filmer en studio je savais pas exactement ce que j'allais en faire. Et entretemps j'ai fait des recherches sur cette plante, et là où j'ai découvert toute cette spiritualité avec l’Amérique du Sud, toute cette histoire avec le colonialisme par rapport à cette plante qui m'a beaucoup beaucoup intéressée, et qui dans le cadre de mon travail autour des questions de nature etc. avec beaucoup de sens. Et là j'ai commencé à garder en tête ces questions de spiritualité, ces questions presque chamaniques en fait finalement, ces questions de consommation aussi parce que c'était une plante très nutritivee et très importante. C'est pour ça qu'on l'appelait le blé des incas, parce que c'était une des plantes les plus cultivées pour être consommées pas seulement dans le cadre de rituels. Et voilà j'ai gardé un peu tout ça en tête, pour faire le reste, pour fabriquer le reste de la vidéo en fait. Et c'est là où je l'ai ramené cette plante en studio et que j'ai commencé à la filmer, c'est comme ça que j'ai écrit la musique qui va avec, avec ma guitare électrique en gardant en tête ce côté un peu mystérieux, mystique, spirituel, etc. Et je me suis inspirée d'ailleurs du film, je sais pas si vous connaissez, le film Dead Man de Jim Jarmusch, où justement c'est un film qui parle pas mal de ces questions de spiritualité, en Amérique du Nord pour le coup attention ! Et où il y a cette guitare électrique qui vient ponctuer le film, qui est la seule musique finalement, il n'y a pas d'orchestre il y a juste ce son de guitare un peu distordu et distordant, et je trouvais ça intéressant. Et voilà, un de mes processus de création peut passer par cette spontanéité, par des rencontres, des rencontres d'objets, des rencontres d'artistes, des images, tout simplement parfois des publicités parfois m'inspire aussi. Donc dans mon processus de création, il y a cette spontanéité qui est présente, mais il y a toujours une dimension de recherche et parfois c'est par là que ça passe.

Faire corps tout de suite ça m'évoquerait la performance, Marina Abramovic, les travaux qu'elle a pu faire avec son corps justement, vraiment, concrètement. Comme premier degré de cette question, c'est faire corps ça passe par le corps en fait tout simplement. Mais par rapport à mon approche personnelle de la philosophie, de l'art, de la vie de manière générale, je pense que je voudrais parler de nature parce que c'est souvent de ça dont il s'agit dans mon travail. Et que voilà je chercherais à savoir comment refaire corps peut-être avec notre animalité, avec la nature. Je pense que faire corps, ce que ça m'inspirerait, ce dont je parle beaucoup dans mon travail, en Occident on a cette philosophie de vie, ce point de vue sur le monde qui est très dualiste, qui est très divisé. C'est à dire que d'un côté il y a nous, êtres humains, êtres humaines ; de l'autre il y a le reste du monde tout simplement. Et dans ce reste du monde, il y a la terre, le reste des animaux non humains, le végétal, on y met un peu tout. Et peut-être que faire corps ce serait une manière pour moi de casser un peu ce rapport au monde et d'essayer de parler d'un autre rapport au monde qui peut plus se rapprocher d'autres cultures, on peut en revenir aux cultures d’Amérique du Sud, comme j'en parle dans ma vidéo, qui elles n'ont pas le même point de vue sur le monde, n'ont pas ce point de vue divisé et dualiste, et où il n'y a pas forcément d'ailleurs, le mot "nature" n'existe pas forcément parce qu'ils n'ont pas besoin de séparer de l'être humain, tout en fait. Tout simplement. Voilà je pense que je l'envisagerais comme ça, comme une remise en question de ce dualisme occidentale, entre la nature et la culture pour reprendre les écrits de Philippe Escola, parce que c'est une de mes grandes références. Mes références c'est pas que des références artistiques, c'est aussi des références philosophique et anthropologiques beaucoup donc voilà je pense que je partirai dans cette voie là.

Sous-titres réédités par Lorraine Fleury

Entretien : Baya Benlala-Fontaine & Simon Doutavès

LE REGARD DE...

Marie Féménias, diplômée des Beaux-Arts de Montpellier, convoque dans son travail de nombreux médiums tels que la peinture, la photographie, la vidéo et même le langage. Tous sont porteurs, et déclencheurs, de messages, de sens, et l’artiste y ajoute une dimension conceptuelle. Le concept est important à ses yeux et elle le traite régulièrement dans ses œuvres qui questionnent l’humain, la nature et leurs rapports en mêlant les corps à l’environnement, l’humain à l'animal et au végétal. Elle remet en cause la place que nous, humains, avons dans le monde du vivant. En effet, l'humain modifie sans cesse son environnement voire même le pervertit,  ce qui amène l’artiste à se demander si la “nature”, telle qu’on se la représente de façon traditionnelle, existe toujours. Question cruciale à notre période : l’anthropocène. C’est autour de ces questionnements que l'artiste organise sa réflexion et ses pratiques, invitant ainsi le spectateur à se mettre dans son sillage, et à (re)penser le monde.

Dans son travail Amarante, l’artiste se met en scène avec cette plante éponyme. Elle organise littéralement les conditions d’une rencontre, d’une interaction, attirée qu’elle fut au départ par son apparence colorée et anthropomorphique lors de sa découverte, par hasard, dans un jardin de permaculture. Son intérêt l’a alors poussée à effectuer des recherches qui l’ont conduite à découvrir puis « aimer » ce végétal aux nombreuses vertus nutritives, médicinales, magiques, rituelles.

Aussi appelée “blé des Incas”, cette plante aux teintes nuancées (des roses, des rouges, des pourpres, des cramoisis et d’autres encore), possède autant de qualités plastiques que de pouvoirs. Ces couleurs rappellent les nuances des lèvres, s’ajoutant au côté charnel et chaud de la peau nue (son visage, ses épaules) de la jeune femme. Le montage alterné, ainsi que la superposition des plans des deux entités créent d’emblée une relation forte entre elles. 

La plante, personnifiée, presque autonome, caresse la peau de l’artiste, effleure les orifices de son visage, s’y introduisant par moment, notamment en se glissant dans le reflet de son œil. À l’aide de ses doigts l’artiste répand et écrase les graines d’amarante sous sa clavicule comme une étreinte entre leur deux corps. Elle la caresse comme celle-ci l’a caressée auparavant. Ainsi l'artiste fait l’expérience des graines, les goûte, croque la fleur à pleines dents, consacre sa bouche à la découvrir. 

Il y a toujours du mouvement, celui des lèvres, de l’œil, du vent dans l’amarante, de la main… L’artiste ouvre la bouche, cette fois pour parler, un murmure s’en échappe, comme un souffle : « Immortelle … Immortelle…», son qui se fond dans les autres sons. Le bruissement du vent dans la fleur se fait entendre, et tout au long de la vidéo, les images sont accompagnées d’une mélodie jouée à la guitare (presque une aulétique)*, aux rythmes et sonorités mystiques. Assemblages, agencements, fragments, qui, tous ensemble, construisent la vivance de l’œuvre, décuplent la sensibilité, connectent l’expérience à l’universel, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, redessinant ainsi les frontières entre les domaines du vivant. Les deux corps sont en interaction, et tout touche aux sens. Elles ne font qu’une. Tous les sens de l’artiste sont convoqués et cela nous invite à faire de même. De plus, cette communion aboutit à une incorporation, une fusion des corps dans une sorte de danse, un “faire corps” total. L’artiste nous suggère de la traverser symboliquement et ainsi faire corps nous-mêmes avec l’œuvre et le monde. 

 

Reprenons le terme rencontre. Celui-ci articule parfaitement l’œuvre à l’exposition. En effet, l’artiste plonge son corps en communion avec l’amarante, montrant ainsi leur présence conjointe au monde. Tout comme Katie Montanier, Marie Féménias fait usage de ce que propose l’environnement en tant que sujet et médium. Dans cette pièce, l’amarante porte le message de l’artiste, son questionnement sur le rapport de l’humain à la nature.

L’entrevue des corps de l’artiste et de la plante permet d’entrer en résonance avec la mémoire des civilisations précolombiennes d’Amérique du Sud. Par ailleurs, l’artiste y a effectué un voyage pour ses recherches. Marie Féménias s’est imprégnée de la culture, jusqu’à se faire tatouer des symboles de la culture précolombienne. Elle a littéralement fait corps avec cette culture et nous incite à faire de même ici.

Nous pouvons lier les pigments de l’amarante à ceux utilisés aux origines de l’art et liés aux pratiques rituelles depuis la naissance de l’Humanité. De tout temps, l’Humain a eu un important rapport au culte et à la spiritualité, notamment par l’ingestion de plantes supposément magiques. Cette spiritualité tend en général à effacer la différence entre nature et culture, entre animal et humain. Il s’agit d’aller à l’essence même des choses, des individus, nous sommes un tout, une grande dimension. Amarante amène la notion d’interspécisme et une nouvelle pensée du monde. Il s’agit ici d’un encouragement à développer une nouvelle conscience, une nouvelle psyché. Nous retrouvons cette idée dans l’œuvre collective SkinSpecies**. Il s’agit de grands foulards sur lesquels sont imprimées des têtes d’animaux. Des comédiens les portent jusqu’à se couvrir la tête, proposant ainsi une créature hybride, anthropomorphe. Ce travail réétudie la rupture entre nature et humain, pour un avenir durable.

La poésie de l'œuvre surgit des ellipses, de la superposition des plans. Cette sensibilité, appuyée par les images et la guitare mystique, nous amène à la figure de la sorcière, de la chamane, de la pythie et de l'oracle. La figure de la femme aux plantes, depuis des temps anciens, suggère immanquablement la connaissance, la magie. Par ailleurs, le nom amarante vient du grec amarantos, qui signifie “ne se fane pas”. Symbole d‘immortalité, l’amarante participait à de nombreux rituels de protection et purification. Nous ne pouvons nous empêcher de penser à l’œuvre d’Ana Mendieta, qui faisait totalement corps avec la nature afin de souligner le sacré de celle-ci et celui de son corps. 

Les murmures de Marie Féménias, accompagnés de son rire et de l’accélération des plans et de la musique, achèvent de nous charmer et provoquent en nous un questionnement sur notre caractère éphémère individuel et notre éternité collective. Cette rencontre peut donc être qualifiée d’intime, sensuelle ou même érotique, au sens de l'éros céleste qui permet le passage au monde des idées, au suprasensible. 

Pauline Sanchez & Lorraine Fleury

* l’aulos s'apparente à une cithare, instrument dont on jouait dans la Grèce Antique 

** Isis Fahmi, Benoît Renaudin et Laura Couto Rosado

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